Culture : Israël Nzila est lauréat du Prix RFI 2025, une première pour la RDC

Le dramaturge congolais Israël Nzila, a remporté le prestigieux Prix Théâtre RFI 2025 pour sa pièce « Clipping » une œuvre audacieuse et déroutante qui explore les frontières de la mémoire, de l’identité et de la folie. À 31 ans, l’auteur originaire de Kinshasa devient le premier Congolais à décrocher cette récompense, décernée dans le cadre du Festival des Francophonies à Limoges.
Une œuvre saturée d’émotions
« Clipping » : un titre anglais pour une pièce écrite en français. Le choix n’est pas anodin. Nzila emprunte ce terme aux ingénieurs du son pour désigner la saturation, ce moment où le volume dépasse les limites et le son devient distordu. C’est exactement ce que provoque sa pièce: une saturation des sens, une dislocation du réel.
L’histoire? Celle de Do une femme qui affirme avoir perdu son enfant au marché. Mais l’enfant retrouvé ne la reconnaît pas. Le doute s’installe. Est-elle une mère éplorée ou une voleuse de bébé ? Jetée en prison, Do se dissout dans un labyrinthe d’identités et de temporalités. Le passé, le présent et le futur s’entremêlent. Les personnages se fragmentent. Le langage devient musique, parfois cacophonie. Une « parole de folie », comme le décrit Nzila lui-même.
Une langue née du chaos
Né à Kinshasa en 1994, Israël Nzila vit à Lubumbashi, ville où il a étudié les lettres et la civilisation françaises. Il n’a pas grandi dans une zone de guerre, mais les échos des conflits à l’est du pays résonnent dans son écriture. « Les massacres, les mutilations… tout cela nous atteint. J’écris parce que je suis habité par ces histoires depuis l’enfance »
Sa langue est musicale, mais pas harmonieuse. Elle est faite de ruptures, de sons dissonants, comme une guitare désaccordée. « Toute ma langue est venue sous forme de rythmique, de musique… saturée ». Ce style singulier, à la frontière du poétique et du politique, a séduit un jury présidé par Stanislas Nordey, qui a salué une œuvre « bouleversante et haletante »
Une trajectoire fulgurante
Ce n’est pas la première fois qu’Israël Nzila fait parler de lui. En 2024, sa pièce « Silence » avait déjà été finaliste du Prix Théâtre RFI et lauréate du Prix des Récréâtrales au Burkina Faso. Avec « Clipping », il s’impose comme une figure montante du théâtre francophone africain. En juillet 2026, sa pièce ouvrira le cycle de lectures « Ça va, ça va le monde! » au Festival d’Avignon et sera diffusée sur les antennes de RFI.
Une esthétique de l’espérance
Au-delà des mots, Nzila s’exprime aussi par l’image. Ses photographies, partagées sur les réseaux sociaux, témoignent d’une quête d’esthétique et d’espérance. « Être Congolais, c’est vivre dans des situations inacceptables, mais c’est aussi garder toujours l’espoir ».
Israël Nzila ne cherche pas à rassurer. Il cherche à faire entendre les voix saturées, les corps disloqués, les mémoires traumatisées. Avec « Clipping » il vient d’offrir au théâtre une partition nouvelle, où la douleur est musique, et le chaos est langage.